dimanche 12 mars 2017

323. Eagles : "Hotel California" (1976)

Tout le monde connaît Hotel California des Eagles, titre paru en 1976, tiré de leur album éponyme dont l’enregistrement avait débuté étonnamment à Miami neuf mois plus tôt.  
De deux choses l’une : soit vous avez entre trente et quarante ans et vous avez grave emballé dans les boums de votre adolescence (avec force stromboscopes et litres de Tang) sur ce slove interminable (plus de six minutes cela laisse le temps d’attaquer les phases conclusives), soit, plus jeune, vous avez entamé un coma dépassé au moment du solo de guitare (tu as donc eu une période punk dans ta vie, car il paraît que cette envolée épique a catalysé à elle toute seule toute l’animosité du mouvement pour les guitar heroe). Le cas échéant, il est possible que vous ayez usé vos dernières capacités psychomotrices à essayer de jouer le morceau sur votre console avec Guitar Hero.

Hotel California outre ces marqueurs  générationnels forts, est aussi un titre un chouïa flippant qui commence cheveux aux vents dans une décapotable pour finir en pur cauchemar, une camisole aux mains de Mildred Ratched[1] en embuscade, prête à mettre à profit votre prochain faux pas pour vous faire passer un sale quart d’heure. En gros, c’est l’histoire d’un gars qui stoppe dans un Hôtel de la côte ouest un soir d’été, baptisé du nom de cet état si permissif des Etats Unis qui vit s’épanouir le Summer of Love, les acid test et les grandes contestations de la jeunesse des années 60 finissantes. Quelques dix ans plus tard, l’hédonisme et la permissivité ont tourné au vinaigre (on sent comme un petit retour du conservatisme anti-hippie sur lequel A. Kaspi[2] aurait vraisemblablement pu écrire des pages intéressantes.  Perdant le contrôle notre aventurier réalise que son Hotel California est un lieu fréquenté par des toxicos-alccolos incapables de s’extraire des lieux. Différentes interprétations métaphoriques circulent sur ce titre interminable qui sent bon le Sunset bad trip et le darkside du rêve californien.


On a dark desert highway, cool wind in my hair
Warm smell of colitas, rising up through the air
Up ahead in the distance, I saw a shimmering light
My head grew heavy and my sight grew dim
I had to stop for the night
There she stood in the doorway;
I heard the mission bell
And I was thinking to myself,
"This could be Heaven or this could be Hell"
Then she lit up a candle and she showed me the way
There were voices down the corridor,
I thought I heard them say...

Welcome to the Hotel California
Such a lovely place (Such a lovely place)
Such a lovely face
Plenty of room at the Hotel California
Any time of year (Any time of year)
You can find it here

Her mind is Tiffany-twisted, she got the Mercedes bends
She got a lot of pretty, pretty boys she calls friends
How they dance in the courtyard, sweet summer sweat.
Some dance to remember, some dance to forget

So I called up the Captain,
"Please bring me my wine"
He said, "We haven't had that spirit here since nineteen sixty nine"
And still those voices are calling from far away,
Wake you up in the middle of the night
Just to hear them say...

Welcome to the Hotel California
Such a lovely place (Such a lovely place)
Such a lovely face
They livin' it up at the Hotel California
What a nice surprise (what a nice surprise)
Bring your alibis

Mirrors on the ceiling,
The pink champagne on ice
And she said "We are all just prisoners here, of our own device"
And in the master's chambers,
They gathered for the feast
They stab it with their steely knives,
But they just can't kill the beast

Last thing I remember, I was
Running for the door
I had to find the passage back
To the place I was before
"Relax, " said the night man,
"We are programmed to receive.
You can check-out any time you like,
But you can never leave! "

Sur une autoroute déserte mal éclairée, le vent frais dans mes cheveux, 
La chaude odeur des joints s'élève dans l'air
Au loin, j’aperçois une lumière scintillante 
Ma tête devient lourde, et ma vue se brouille
Il faut que je m'arrête pour la nuit   
Elle était là, dans l'encadrement  de la porte 
J'entendis la cloche de la Mission 
Et je pensais en moi même, 
"Cela peut être le paradis ou cela peut être l'enfer" 
Puis ayant allumé une chandelle et elle me guida 
J'entendis des voix venir des couloirs qui semblaient me dire ... 


Bienvenue à l'Hôtel California 
Quel agréable endroit (Quel agréable endroit) 
Il y a tellement de chambres à l'Hôtel California 
Que tu en trouveras tout au long de l'année 



Son esprit est corrompu par le luxe elle a eu Mercedes 
Beaucoup de beaux garçons qu'elle appelle ses amis lui tournent autour 
Regardez comme ils dansent dans la cour, douce sueur d'un été
 Certains dansent pour se souvenir, d'autres pour oublier 


Alors j'ai appelé le maître d'hôtel "S'il vous plaît apportez moi mon vin" 
Il me dit, "Personne ne nous en a demandé depuis 1969". 
Et toujours ces voix d'outre tombe
Qui vous éveillent en plein milieu de la nuit 
Juste pour les entendre dire... 

Bienvenue à l'Hôtel California 
Quel agréable endroit (Quel agréable endroit) 
On mène la belle vie à l'Hôtel California 
Quelle jolie surprise,
 Préparez vos alibis

Des miroirs au plafond, du champagne rosé au frais 
Elle dit "Nous ne sommes que les prisonniers de notre propre gré" 
Et dans la chambre des maitres, ils se regroupèrent pour faire la f^te 
Ils la poignardent  de leurs couteaux aiguisés, 
mais ils ne peuvent tout simplement pas  tuer la bête
 
La dernière chose dont je me souvienne est que je tentais de fuir 

Je devais retrouver le passage par où j'étais arrivé
"Relax" dit le veilleur de nuit, 
"nous sommes à ton service" 
"Tu peux régler la chambre quand tu veux, 
mais tu ne pourras jamais partir".




Laissons là ce cauchemar carcéral et hôtelier. Finalement, c’est plutôt un autre aspect de l’histoire du rock auquel je souhaite consacrer ce billet : la relation ambivalente et tumultueuse de cette musique amplifiée et de ses stars avec ces lieux de passage où l’on occupe des chambres pour une ou plusieurs nuits : les hôtels.

Puisque nous partons sur une note un peu sombre, commençons par ces hôtels qui furent la dernière demeure de quelques pointures de la discipline. Vous me direz d’autres ont choisi le Mississippi ce n’est ni plus malin, ni plus confortable…

Au mitan des années soixante, le centre de gravité géographique du monde du rock opère un basculement. Né aux Etats-Unis, une dizaine d’années auparavant, cette musique neuve qui emprunte aux musiques noires et emballe la jeunesse d’Outre Atlantique retraverse l’océan pour gagner l’embouchure de la Mersey. Quatre garçons dans le vent s’en emparent : Liverpool, puis Londres deviennent l’épicentre d’un phénomène culturel inédit qui mêle baby-boom, société de consommation et bouleversements culturels. Les Beatles font école et de nombreuses formations enfièvrent les deux rives de l’Atlantique. Les Stones notamment font du quartier de Soho et de Carnaby Street le cœur battant du Swingging London. C’est là qu’échoue un guitariste incroyable, repéré par Chas Chandler, bassiste de The Animals au café Wha ? de New York en 1966. Jimi Hendrix fait de la capitale anglaise sa ville d’adoption. Il déambule dans ses quartiers branchés, y donne des concerts d’anthologie où il maltraite sa guitare bien avant de l’enflammer à l’été 1967 sur la scène de Monterey. 
Plaque dans le quartier de Mayfair
Il revient à Londres quelques temps après ce moment historique. Il délaisse alors Soho pour le quartier bien plus huppé de Mayfair. A l’été 69, reparti aux Etats-Unis il électrise le public de Woodstock en donnant une version distordue de l’hymne américain pour mieux évoquer les bombes que l’Oncle Sam largue sur les villages vietnamiens. L’été suivant Hendrix, attendu au festival de l’ile de Wight, quitte son studio flambant neuf d’Electric Ladyland et traverse une nouvelle l’Océan en direction de l’Europe. À Wight succède le festival de Fehmarn puis c’est le retour à Londres. Installé au rez de chaussée de l’hotel Samarkand à Notting Hill, le corps de Jimi Hendrix y est retrouvé inanimé dans son lit où il a vomi par Monika Dannemann en cette fin de matinée du 18 septembre.  Il a beaucoup bu la veille et ingéré des barbituriques en quantité. Il décède l’année de ses 27 ans.


Janis Joplin devant le Chelsea Hotel 
D’autres chambres d’hôtel font office de chambres mortuaires après le triste épisode de l’Hôtel Samarkand. Des stars y décèdent, leur sang méchamment chargé de produits toxiques. Après Hendrix, une autre figure de proue des seventies s’éteint dans un hôtel : c’est Janis Joplin. Nous sommes presque à l’automne 1970. En ce mois de septembre, Janis travaille à Los Angeles à l’enregistrement d’un nouvel album Pearl, avec le producteur P. Rotschild. Après avoir carburé sévèrement à toutes sortes de substances, elle entre dans une nouvelle période de sa vie, plus apaisée : nouveau groupe, nouvel album, nouvel amant. Dans la cité des Anges, elle loge non loin d’Hollywwod Boulevard dans la chambre 105 d’un hôtel avec piscine, le Landmark, que certains de ses confrères tels Leonard Cohen ou Jim Morrison fréquentent à l’occasion (bon, ok, le terme confrère est peut-être abusif). Le 18 septembre, Hendrix s’éteint, Joplin retombe dans l’héroïne.

Elle en consomme au soir du 3 octobre 1970 et quand son manager ne la voit pas pointer son minois le lendemain pour enregistrer Buried Alive with the blues  il entreprend de se procurer de quoi entrer dans la chambre 105 du Landmark. La blanche a eu raison de la reine du blues : Joplin git sur le sol, morte depuis plusieurs heures d’une overdose d’héroïne très pure. Ses cendres iront elles aussi dans le grand bleu, dispersées dans le Pacifique. Janis Joplin est décédée dans une chambre d’hotel californien le 4 octobre 1970 à 1h30 du matin. Pearl sera donc un album posthume.




Depuis Pamela Des Barres, on sait que l’univers du rock est fait de guitar heroes et de comètes qui chantent le blues avec la voix de celles qui viennent de descendre un litre de whisky frelaté, mais aussi de groupies qui suivent leurs idoles comme leurs ombres dans les recoins les plus reculés de leur intimité. Nancy Spungen, native de Philadelphie, est l’une d’entre elles. Elle a exploré les hauts lieux de la scène punk new yorkaise  – le Max’s Kansas City et le CBGB – avant de tomber dans l’héroïne et de croiser la route du bassiste des Sex Pistols, Sid Vicious. Elle arrive à Londres dans les bagages du guitariste des New York Dolls, Johnny Thunders. Le manager des deux formations n’est qu’une seule et même personne : Monsieur Vivienne Westwood aka M. Mac Laren, qui tient avec sa belle la boutique Sex sur King’s Road. La rencontre entre la New Yorkaise d’adoption et le successeur de Glen Matlock dans la formation la plus scandaleuse d’Angleterre en 1977 bénéficie donc du parrainage de bonnes fées. 

Les deux tourtereaux entament de ce pas une liaison quelque peu tumultueuse, tandis que la carrière des Pistols débouche à force de scandales sur une tournée Outre-Atlantique. Ce sera un one shot ; elle se termine par l’implosion du groupe  à San Francisco au mois de janvier de l’année suivante. Vicious rejoint son amoureuse à New York ; la dégringolade artistique et personnelle épouse l’allure du cheval lancé au galop. Octobre 78, après une soirée au Max’s, le couple regagne la chambre n°100 du célèbre Chelsea Hotel. Les voisins partagent sa nuit agitée, moins des suites de leurs ébats amoureux que de la consommation outrancière de substances dont on déconseille généralement l’usage simultané. Le 12 octobre au matin, le bassiste des Pistols appelle le standard de l’hôtel car sa girlfriend est blessée. Les policiers découvrent en arrivant sur les lieux, Nancy Spungen, 20 ans à peine, baignant dans son sang, sur le sol de la salle de bain un couteau planté dans le ventre. La blessure est mortelle. Vicious qui échappe à la prison meurt à son tour d’une overdose d’héroïne trois mois plus tard. No Future.




Du coup la balade cauchemardesque des Eagles à grand renfort de solo de guitare interminable fait figure de passagietta.


Fort heureusement, les hôtels sont aussi des agoras artistiques, des lieux qui stimulent la créativité des artistes. Le Chelsea Hotel n’a qu’exceptionnellement servi d’écrin aux dernières heures des stars plus ou moins improbables du rock. L’hôtel de Stanley Bard a accueilli à partir du milieu des années 50 un nombre incalculable d’artistes issus d’univers différents : des écrivains et poètes de la Beat Generation (Kerouac, Burroughs), des intellectuels français (Sartre et de Beauvoir), des écrivains désespérés (Miller), des photographes (Mapplethorpe) et des pygmalions (Warhol) y ont accompagné leurs muses (Patti Smith, Nico, Edie Sedgwick). 

Mapplethorpe et Smith
Celles et ceux qui y séjournent transforment l’hôtel en un véritable incubateur à l’instar de Patti Smith qui serait cette poétesse et chanteuse new-yorkaise qui a joué un rôle essentiel en créant le lien entre le folk-blues littéraire incarné par Dylan dans les années 60 et le punk rock naissant à la violence héritée du Velvet Underground et des Stooges d’Iggy Pop[3]. Leonard Cohen y a écrit Chelsea Hotel#2, chanson dans laquelle il relate sa liaison avec une des habituées des lieux qui termina sa courte existence dans une chambre située à l’autre bout du pays : Janis Joplin[4]. Lennon, Iggy Pop, Hendrix, Alice Cooper, Jerry Garcia ou encore Bob Dylan, déjà mentionné, y ont séjourné. Cela valait bien une chanson de Joni Mitchell[5] en l’honneur de cette bâtisse  de briques rouges aux balcons de fer forgé. Ce même Chelsea hôtel qui donna son nom à la descendance d’un couple présidentiel américain, dit-on.



East Coast/West Coast. Troquons l’esprit bohême de la grande pomme pour le glamour du Château Marmon, somptueux palace[6] situé sur le mythique Sunset Boulevard de West Hollywood. On tient là  un lieu tout aussi exceptionnel par le nombre de célébrités issues des machines à rêves de l’ouest américain qui y ont séjourné. 

Certaines y ont malheureusement effectué leur tout dernier voyage tel John Belushi l’un des Blues Brothers qui y est décédé d’une overdose le 5 mars 1982 à l’âge de 33 ans. D’autres y ont fait de simples et presque  innocentes cabrioles tel Jim Morrison descendant du toit vers sa chambre via les gouttières, ou John Bonham de Led Zeppelin entré à moto dans le hall de l’hôtel. Plus trash, l’histoire du lieu est aussi rythmée par les frasques de quelques stars en pleine crise d’adolescence : un Billy Idol nu comme un vers a détruit sa chambre sans se départir de son ineffaçable moue ; Britney Spears, le crâne rasé et en pleine dépression, a fait de grosses bêtises avec la nourriture du restaurant au point de s’en faire virer. La veuve Cobain y a entamé un karaté avec la fille Geldof (Peaches, décédée depuis) suite à un désaccord indépassable sur la marque et la quantité des pilules à avaler que la jeune fille lui proposait. Même si chanter n’est pas sa principale occupation, on dit que Scarlett Johansson a tenté quelques échauffements vocaux avec Benicio del Toro vite fait  dans un ascenseur. Le glamour, le gossip … ainsi va la vie à Los Angeles.

Mais l’hôtel est aussi, à sa façon, un lieu propice à la création, avec peut-être moins de profusion que le Chelsea, son pendant new yorkais. La notice Wikipedia de l’hôtel indique qu’A. Kiedis des Red Hot y a enregistré les voix de By The way ; on ne demande qu’à la croire. Autre moue, autre star glamour, Lana Del Rey a fait du château Marmont son arrière cour. La chanteuse y a donné un concert au bord de la piscine de l’hotel (poolside donc) pour la sortie de Born to Die. Elle filme souvent les lieux pour les besoins de ses vidéos-clips. Le succès aidant, la diva a préféré investir un autre lieu mythique du coin, le Laurel Canyon, qui a hébergé bon nombre de star du rock des années 60-70 et qui s’avère beaucoup plus paisible.
Jarvis Cocker et Chilly Gonzales à l'Hotel (@theobserver)
Enfin, on sait désormais que le nouvel album de l’inégalable Jarvis Cocker, chanteur de Pulp,  a été composé au piano en collaboration avec Chilly Gonzales à l’Hotel situé au 8221 du Sunset Boulevard[7]. Il est d’ailleurs intitulé Room 29. Désespéré du Brexit, le chanteur,  qui réside d’ordinaire à Paris, a mis les bouts pour la Californie en attendant les résultats des élections présidentielles françaises dont il craint l’issue. Pour cette aventure distincte de celle qu’il mène avec ses camarades de Sheffield, il a davantage puisé pour son inspiration dans l’histoire du lieu ; à l’actualité ô combien déprimante du vieux continent, il a préféré les fantômes de Jean Harlow ou de la fille de Mark Twain pour inspirer ses compositions. L’album dernier rejeton du célèbre hôtel est attendu pour le 17 mars. L’article ne dit pas si, dans son album, J. Cocker, évoque  la possibilité que l’Hotel California des Eagles et celui de la Room 29, le Château Marmont, ne soient qu’un seul et même lieu.




Pistes bibliographiques :

ASSAYAS, M., (dir), Le nouveau dictionnaire du rock, Paris, Robert Laffont, 2014, tome 1 et 2
BROSSAT, P., Places I remember, Marseille, le Mot et le reste, 2013
SMITH, P., Just Kids, Paris, Denoël, 2010




[1] Pour les plus jeunes, Dame Mildred est la très sympathique infirmière du Vol au dessus d’un nid de coucou de M. Forman, adapté Ken Kesey.
[2] Depuis mes années de licence, je suis poursuivie par le souvenir des pages de cet historien sur le mouvement hippie et ses suites dans 1968, L’année des constestations, Edition complexe, 1988
[3] ASSAYAS, M., (dir), Le nouveau dictionnaire du rock, Paris, Robert Laffont, 2014, p. 2558
[4] Lana del Rey dont nous allons parler plus loin a enregistré une reprise de ce titre
[5] Joni Mitchell, Chelsea Morning
[6] Le lieu est aussi classé monument historique.
[7] BROMWICH, K., J. Cocker : People fall in love with an illusion, something that’s never existed ,  The Observer, 12 mars 2017 https://www.theguardian.com/music/2017/mar/12/room-29-jarvis-cocker-people-fall-in-love-illusion-chateau-marmont-chilly-gonzales

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